Petite introduction à l’éthique des essais cliniques
Coronavirus —Réponse au Professeur Raoult
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Le 25 mars, le Monde publiait une tribune signée par Didier Raoult, encourageant les médecins à cesser d’agir en « méthodologistes ». Face à la « méthode » et aux « mathématiques », Didier Raoult défend la « morale » et « l’humanisme » du serment d’Hippocrate. Disons-le d’emblée : cette tribune est un retour en arrière en matière de réflexion morale et éthique sur les essais cliniques. Puisque Didier Raoult souhaite que les médecins « reprennent leur place avec les philosophes », rappelons donc les bases philosophiques de l’éthique des essais cliniques. Ces bases permettront de comprendre pourquoi les essais cliniques contrôlés sont absolument nécessaires et conformes à l’éthique, et ce même dans le contexte épidémique que nous connaissons aujourd’hui.
La recherche clinique serait-elle immorale ?
Deux jours après sa tribune publiée dans le Monde, Didier Raoult a partagé la nouvelle étude clinique de son équipe sur Twitter (voir ici). Il y affirme ceci :
« Notre étude porte sur 80 patients, sans groupe contrôle, car nous proposons notre protocole à tous les patients ne présentant pas de contre-indication. C’est ce que nous dicte le serment d’Hippocrate que nous avons prêté ». (28 mars 2020, compte Twitter officiel de Didier Raoult)
Ainsi, contrairement à leur première étude qui comportait un groupe contrôle, cette seconde étude en est dépourvue. C’est évidemment un problème méthodologique qui n’a pas manqué de faire réagir la communauté scientifique (comme par exemple ici). Ce qui me fait réagir cependant, en tant que philosophe de la médecine, est le fait que Raoult justifie ce défaut méthodologique sur la base de l’éthique. En un tweet, Raoult remet en cause la légitimité morale et éthique des essais cliniques auprès d’une audience de plus de 250 000 abonnés[1]. Dans sa tribune, il affirme que faire des groupes de contrôle, c’est « dire au malade qu’on va lui donner au hasard soit le médicament dont on sait qu’il marche, soit le médicament dont on ne sait pas s’il marche ».
Autrement dit, si l’on applique cette citation de Raoult à ses travaux et ceux de son équipe, ceux-ci ne pouvaient pas faire de groupe contrôle (placebo ou non), car ils « savaient » que le traitement qu’ils administraient— en l’occurrence l’Hydroxychloroquine + Azithromycine — fonctionnait. Un médecin…