Qui sont les philosophes ?

La question de l’expertise philosophique dans les médias français

Juliette Ferry-Danini
9 min readJul 13, 2020

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J’ai commencé à m’exprimer publiquement sur des sujets philosophiques pendant ma thèse. Depuis le début, ma démarche est à la fois de vulgarisation (transmettre des connaissances ou des concepts) et d’analyse (proposer une analyse d’une situation donnée), et ce dans le domaine que j’étudie, la médecine. En plus d’être bavarde sur Twitter, j’ai tourné quelques vlogs de thèse sur YouTube, mi-sérieux, mi-humoristiques. En 2018, au milieu d’une controverse sur l’homéopathie, j’ai répondu à une interview pour Slate. À partir de là, je me suis aventurée sur un plateau TV (avec les cheveux bleus), puis j’ai enchaîné d’autres interviews, que ce soit dans les médias traditionnels ou sur YouTube. Pour 2020, j’avais prévu de me rendre à une conférence de vulgarisation pour parler d’histoire de la médecine, de lavage de mains et d’Ignace Semmelweis. Le sort en a évidemment décidé autrement en nous confrontant plutôt à une pandémie et au confinement.

Toujours est-il que je pensais déjà faire beaucoup en termes de vulgarisation. J’ai même, depuis janvier, commencé à travailler sur un livre de philosophie de la médecine qui sera accessible au grand public. La pandémie a en fait précipité beaucoup de choses, en me forçant (avec d’autres) à m’exprimer encore plus sur des sujets “d’actualité”, autrement dit, en lien avec le covid-19. Dans cette note de blog, je prends un peu de recul sur tout cela. Comment se fait-il que je sois si sollicitée par les médias alors que je ne suis que docteure en philosophie ? Qu’est-ce que cette activité publique me coûte ? Pourquoi je le fais ? Qu’est-ce que cela signifie pour la figure du “philosophe” en France ?

Dans Funny Face (1957), Audrey Hepburn joue une passionnée de philosophie, vite désabusée par le milieu

Pandémie et confinement

Dès février et le début de la pandémie, les échos entre ce qu’il se passe et ce que je connais de ma discipline se multiplient: désaccords entre experts, récolte des données scientifiques, fiabilité des modèles épidémiologiques, décisions de santé publique, problèmes éthiques, etc. Je songe aussi à des épisodes d’histoire de la médecine qui semblent se rejouer. Un an avant la pandémie, j’animais une séance de cours sur les maladies émergentes et j’expliquais à mes étudiant.e.s en médecine, “qu’une pandémie était probable, peut-être…

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